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Les Cahiers du courtage - Numéro 3 c1602bcf-8248-479d-80bf-ed666febb1d5 1762952454 PLANETE CSCA fr PLANETE CSCA Les Cahiers du courtage sont proposés par PLANETE CSCA, le syndicat des courtiers d'assurances. Exploration et analyse des évolutions du secteur du courtage d'assurances. À travers des réflexions approfondies et des interviews d'experts, nous vous proposons un regard éclairé sur les tendances actuelles et futures qui façonnent la profession. 1752796800 fr False True Les cahiers du courtage Octobre 2025 - #3 UNE FRAUDE PROTÉIFORME EN CONSTANTE PROGRESSION Selon France Assureurs, la fraude à l’assurance coûte chaque année entre 2,5 et 3 milliards d’euros au secteur. Ce chiffre, issu du rapport annuel 2024[1],ne reflète que les cas identifiés, laissant supposer une réalité bien plus vaste. L’ALFA (Agence pour la Lutte contre la Fraude à l’Assurance) [2], qui coordonne les échanges entre assureurs, a enregistré 45 000 dossiers de fraude traités en 2024, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente. La fraude peut être opportuniste – un assuré qui exagère un sinistre – ou organisée, avec des réseaux structurés exploitant les failles du système. Elle touche tous les types de contrats, tous les profils d’assurés, et s’adapte aux évolutions du marché. La digitalisation des parcours clients, si elle facilite la souscription, ouvre aussi la porte à de nouvelles vulnérabilités. Santé : une fraude invisible mais massive La branche santé est particulièrement exposée à la fraude documentaire et médicale. Les fraudes les plus fréquentes concernent les arrêts de travail abusifs, les factures médicales falsifiées, ou encore les usurpations d’identité pour bénéficier de soins ou de remboursements. Selon les données de l’Assurance Maladie, publiées dans le rapport de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale 2024 [3], les fraudes détectées dans le régime général ont représenté plus de 400 millions d’euros, dont une part significative liée aux prestations en espèces (arrêts maladie, indemnités journalières). L’ALFA estime que 40 % des fraudes détectées dans la branche santé concernent des arrêts de travail injustifiés, souvent validés par des certificats médicaux de complaisance. La difficulté réside dans la nature confidentielle des documents médicaux, qui limite les possibilités de vérification directe. Les assureurs doivent donc s’appuyer sur des signaux faibles, des incohérences dans les parcours de soins, ou des alertes croisées avec les bases de données de la Sécurité sociale. IARD : sinistres exagérés, montages complexes La branche IARD (Incendie, Accidents et Risques Divers) concentre la majorité des fraudes en volume. Elle regroupe les assurances auto, habitation, responsabilité civile, etc. Les fraudes typiques incluent : L’exagération ou l’invention de sinistres (dégâts des eaux, incendies, vols) ; La falsification de devis ou de factures pour gonfler les remboursements ; Les fraudes à l’assurance auto : fausses déclarations, sinistres simulés, véhicules non assurés. France Assureurs indique que 60 % des fraudes détectées concernent l’IARD, avec une forte recrudescence dans l’assurance automobile. Les sinistres climatiques de l’été 2024, notamment les épisodes de grêle et d’inondations, ont été un terrain propice à des déclarations opportunistes, parfois difficilement vérifiables dans l’urgence. L’étude publiée par Finovox en 2024 [4] apporte un regard complémentaire sur l'étendue de la fraude. Elle met en évidence que la fraude documentaire est devenue un vecteur majeur de fraude en assurance IARD, mais son impact diffère selon les segments BtoC et BtoB. Dans le BtoC, les falsifications concernent principalement les sinistres habitation et automobile, avec une prédominance des devis falsifiés (près de 60 % des cas) et des factures modifiées. Ces pratiques visent à gonfler les indemnisations ou à accélérer les remboursements. Elles sont souvent réalisées par des particuliers utilisant des outils numériques simples, ce qui les rend difficiles à détecter sans solutions spécialisées. Les conséquences sont lourdes : retards de traitement pouvant atteindre 30 jours et un coût global estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros par an pour le marché. En BtoB, la fraude documentaire prend une autre dimension. Elle touche surtout les contrats liés à des flottes, des équipements professionnels ou des sinistres industriels, avec des documents falsifiés plus sophistiqués, parfois réalisés par des prestataires ou des sous-traitants. Les enjeux financiers sont bien plus élevés, car les montants en jeu sont significatifs et les dossiers complexes. Le rapport souligne que la détection est encore plus difficile dans ce segment, en raison du volume de documents et de la multiplicité des intervenants. Les impacts ne se limitent pas aux coûts directs : ils incluent des risques réputationnels et des litiges contractuels pouvant durer plusieurs mois. Ces constats montrent que la lutte contre la fraude documentaire nécessite des approches différenciées : des outils rapides et automatisés pour le BtoC, et des solutions plus robustes et intégrées pour le BtoB, associées à une vigilance accrue des courtiers et des gestionnaires. Entreprises : une fraude plus discrète mais en forte hausse Moins visible, la fraude en assurance entreprises est pourtant en forte croissance. Elle concerne les contrats multirisques professionnels, les pertes d’exploitation, les RC pro, ou encore les assurances transport et BTP. Les typologies de fraude incluent : Les faux sinistres professionnels (vols, incendies, pertes d’exploitation simulées) ; Les déclarations erronées de chiffre d’affaires ou de masse salariale ; Les montages frauduleux avec des prestataires ou des sous-traitants. L’ALFA note une augmentation de 20 % des fraudes en assurance entreprises en 2024, avec une concentration dans les secteurs du transport, du BTP et des services. Ces fraudes sont souvent plus complexes à détecter, car elles impliquent plusieurs entités, des montages juridiques sophistiqués, et des flux financiers difficiles à tracer. LCB-FT : un enjeu transversal et réglementaire La LCB-FT (Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme) est un cadre réglementaire qui s’impose à tous les intermédiaires d’assurance, et en particulier aux courtiers. Elle croise de plus en plus les problématiques de fraude, notamment dans les cas de : Usurpation d’identité pour souscrire des contrats ou percevoir des indemnités ; Montages juridiques opaques dans les contrats entreprises ; Utilisation de sinistres fictifs pour blanchir des fonds ; Versements à des entités non vérifiées ou non identifiées. Le rapport annuel 2024 de TRACFIN [5] indique que les signalements issus du secteur de l’assurance ont augmenté de 13,6 %, avec une part croissante liée à des suspicions de fraude. Les courtiers doivent donc intégrer les obligations LCB-FT dans leurs procédures internes : vérification d’identité (KYC), détection des opérations suspectes, tenue de registres, et déclaration à TRACFIN en cas de doute. Le rôle stratégique des courtiers Face à cette complexité croissante, les courtiers sont en première ligne. Leur proximité avec les clients, leur connaissance fine des risques et leur capacité à qualifier les dossiers font d’eux des acteurs clés de la lutte contre la fraude. Mais cette responsabilité implique aussi : Une vigilance accrue dans la vérification des documents ; Une formation continue des équipes à la détection des signaux faibles ; Une collaboration active avec les assureurs et les autorités ; Une intégration des obligations LCB-FT dans les parcours clients ; Une sensibilisation des assurés aux conséquences de la fraude. La profession évolue vers une approche plus préventive, fondée sur la transparence, la traçabilité et l’analyse comportementale. Les outils technologiques, comme ceux proposés par un nombre croissant d’acteurs, peuvent être des alliés précieux, à condition d’être intégrés dans une stratégie globale. Vers une assurance plus résiliente La fraude à l’assurance est un phénomène évolutif, qui s’adapte aux crises, aux réglementations et aux innovations. Pour les courtiers d’assurances, elle représente à la fois un risque et une opportunité : celle de renforcer leur expertise, de valoriser leur rôle de conseil, et de contribuer à une assurance plus juste, plus transparente et plus résiliente. Dans un contexte où la confiance est un actif stratégique, la lutte contre la fraude devient un levier de différenciation, de performance et de responsabilité. Les courtiers d'assurances ont les moyens – et le devoir – d’en être les acteurs engagés. [1] Rapport annuel de France Assureurs, 2024 : https://www.franceassureurs.fr/actualites/rapport-annuel-2024-de-france-assureurs/ [2] Site de l'ALFA : https://www.alfa.asso.fr/ [3] Rapport de la commission des Comptes de la Sécurité sociale : https://www.securite-sociale.fr/la-secu-en-detail/comptes-de-la-securite-sociale/rapports-de-la-commission [4] Etude de Finovox avec Selvitys publiée en 2024 sur deux panels : un panel de 300 personnes en charge de la fraude au sein de leur entreprise et un autre panel de 2 500 consommateurs. [5] Rapport annuel de Tracfin, 2024 : https://www.economie.gouv.fr/tracfin/les-publications-de-tracfin/les-rapports-dactivite-et-danalyse A lire ensuite Fraude à l'assurance : obligations et vigilance accrue pour le courtage d'assurances Fraude à l'assurance : des menaces en mutation, des réponses à inventer Lutte contre la fraude : entre tehcnologie, expertise humaien et coopération sectorielle planetecsca.fr PLANETE CSCA Tour Égée 9-11 allée de l'Arche 92400 COURBEVOIE